Alexandrie... New-York
Hier, je suis allé au ciné, et j'ai été particulièrement emballé: je suis allé voir Alexandrie... New-York, un film de Youssef Chahine, dont on avait déjà un peu entendu parler à Cannes. En fait, je connais vaguement Youssef Chahine, un réalisateur égyptien assez réputé, mais avant la sortie du film, j'avais pu lire un article sur son acteur principal, un jeune danseur égyptien, en fait premier danseur de l'opéra du Caire, qui fait ici ses débuts à l'écran. J'étais donc assez motivé pour aller voir le film (avec la crainte qui va toujours avec ce type de motivation: la crainte d'être à l'arrivée déçu). Il n'en a rien été. Chahine raconte sur une trame autobiographique, une fiction sur la vie d'un réalisateur, ses rapports à l'art autant qu'à un pays qui lui est particulier: les Etats-Unis.
Il expose ainsi le rêve américain qu'il faisait en tant que jeune réalisateur, et sa profonde déception, proche de la colère, face à l'arrogance d'un Etat qu'il ne reconnaît plus. A l'heure où les diatribes contre l'Amérique de Bush junior sont à la mode, le film a une résonnance particulière, en ce qu'il exprime plus la déception d'un homme, et le décallage entre le rêve d'un Amérique qu'il érigeait en modèle, et sa confrontation d'un Etat par trop orgueuilleux. Cette peinture est d'autant plus illustrée par les rapports qu'entretiennent le père, réalisateur égyptien confirmé, et son fils, américain et danseur à la mode. Pour l'anecdote, avec un tel propos, je trouve assez drôle qu'à la fin du film, le réalisateur remercie ses sponsors, et en premier Coca-Cola, symbole s'il en est de l'impérialisme américain...
Le réalisateur égyptien distille également tout le long du film son goût de l'art. Celui du théâtre et de Shakespeare, qu'il développe au collège américain dans lequel il étudie, celui de la danse et des ballets, avec notamment une scène où l'on découvre dans une poignée de minute une représentation de Carmen, particulièrement touchante. C'est aussi l'occasion pour le réalisateur de remercier son public, en l'intégrant à son film, de même qu'il y insère de vrais images de sa carrière, comme la remise de son prix à Cannes en 2000, ou des extraits de ses films passés, parfaitement intégrés à la trame.
Il y a tout de même des choses qui m'ont gêné, comme cet propension à user de techniques qui apparaissent tellement dépassées: des ralentis pour marquer des mouvements de danse délicats, des fondus dans l'image pour renforcer l'émotion (comme dans les vieux films américains des années 40), mais probablement à dessein, pour marquer la différence entre deux époques... En revanche, il est assez amusant de découvrir une Amérique où tous les Américains sont... arabes! Film égyptien, mais dont la plupart des films se passent aux Etats-Unis, les acteurs sont arabes, et parlent arabes, le réalisateur poussant le vice jusqu'à faire jouer le rôle d'un bogosse typé surfer par un garçon magrébin dont les cheveux sont simplement teints en blond! Je trouve ça excellent!
Si la mise en scène, et plusieurs acteurs, peinent un peu parfois, à mon sens, il n'en demeure pas moins que les rôles tenus par Ahmed Yehia sont brillamment interprété, le danseur ayant acquis une présence très marquée devant la caméra. De même, le rôle du réalisateur adulte, tenu par Mahmoud Hemeida est vraiment excellent... Bref, je n'aurai qu'un mot: allez voir le film, et dîtes-moi ce que vous en pensez!!